Qui veut la peau de Roger Rabbit ? - 19/12/20
Résumé |
Introduction |
La tularémie, ou « rabbit fever », est une anthropozoonose, transmise à l’homme par contact direct avec des lagomorphes (lièvre, lapin, écureuils, rats), plus rarement par piqûre d’arthropodes (tiques, moustiques) ou par ingestion d’eau/aliments provenant de sols contaminés. L’agent responsable est Francisella tularensis, coccobacille gram négatif à croissance intracellulaire facultatif. La présentation clinique la plus fréquente reste la forme ulcéro-ganglionnaire, à l’origine d’un granulome théoriquement sans nécrose caséeuse. Nous rapportons ici deux cas de tularémie de forme ganglionnaire dont l’histologie retrouve des granulomes tuberculoïdes.
Observation |
Cas 1 : un homme 61 ans, consultait pour suspicion de brucellose. Il avait pour antécédents une crise de goutte et une HTA. Il habitait en forêt, avait travaillé dans les mines de charbon et avait un chien. Il présentait depuis un mois une volumineuse adénopathie axillaire droite et des signes généraux (sueurs nocturnes, fièvre, amaigrissement), apparus dans les suites d’un panaris. Une antibiothérapie probabiliste par amoxicilline puis pyostacine, était introduite sans efficacité. La sérologie Brucella était positive. Le scanner retrouvait une masse ganglionnaire à centre nécrotique en axillaire droite et l’existence d’adénopathies du médiastin supérieur et moyen. Le bilan complémentaire montrait un syndrome inflammatoire, la positivité de la sérologie Brucella (test au rose Bengale positif avec agglutination de Wright à 25KU avec n<6) tandis que celles du VIH, VHB, VHC, Bartonelle reviennent, EBV, toxoplasmose et CMV étaient négatives. Le tableau clinique évoquait une tularémie plus qu’une brucellose (réactions sérologiques croisées), ce qui était conforté par une PCR Brucella sanguine négative et une sérologie tularémie positive (taux significatif en IgG et traces d’IgM). Une antibiothérapie par doxycyline était introduite avec une évolution favorable des signes inflammatoires. Une exérèse ganglionnaire était réalisée devant la persistance de l’adénopathie axillaire à 3 semaines de traitement, celle-ci confirmant le diagnostic de tularémie (PCR positive et persistance des IgG et IgM sur la sérologie à 3 semaines). L’analyse histologique montrait une lymphadénite granulomateuse épithélioïde nécrosante. L’évolution était favorable au décours. Cas 2 : un homme de 62 ans consultait pour adénopathie inguinale persistante. Il était facteur et avait deux chats. Il présentait depuis un mois, au décours d’une piqûre d’insecte, une adénopathie inguinale gauche dure, peu inflammatoire de 4cm associée à une asthénie et de la fièvre jusque 39°, vespérale. Le bilan sanguin retrouvait un minime syndrome inflammatoire (CRP à 18mg/L) et l’échographie abdominopelvienne complétée par un scanner montraient des adénopathies inguinales droites de 3 et 1,5cm de diamètre isolées. Les diagnostics différentiels (VIH, VHB, VHC, Bartonella, Toxoplasma et Lyme, CMV et EBV) étaient écartés. Une exérèse ganglionnaire permettait de mettre en évidence une lymphadénite épithélioïde nécrotique compatible avec une tuberculose/mycobactérie. La PCR Mycobacterium était négative. Un traitement par quadrithérapie antituberculeuse était débuté dans l’attente des résultats des sérologies Brucella et Tularémie. Cette dernière était positive (titre à 160 [n<20], contrôlée à 80 à 3 semaines). Le Quantiféron® et l’intradermoréaction à la tuberculine étaient négatifs. Le traitement était alors arrêté et remplacé par de la doxycycline 200mg/j pour 3 semaines, avec une évolution favorable.
Discussion |
La tularémie est une cause de granulomes infectieux, dont la particularité est d’acquérir une nécrose caséeuse centrale après 4 semaines d’évolution, pouvant mimer histologiquement une tuberculose. Le diagnostic de certitude repose, selon les recommandations mondiales, sur l’isolement en culture ou PCR F. tularensis sur échantillon, et l’élévation significative des anticorps spécifiques à deux semaines d’intervalle. Ainsi, la microagglutination, l’immunofluorescence indirecte et l’Elisa sont très performantes, tout comme la PCR sur échantillon (spécificité de 96 % et sensibilité de 78 %). À noter que des faux positifs sérologiques peuvent être rencontrés en lien avec des réactions antigéniques croisées avec Brucella, Yersinia et Proteus. Le traitement repose sur une antibiothérapie par doxycycline (3 semaines) ou ciprofloxacine (2 semaines).
Conclusion |
La tularémie est une pathologie endémique dans la région Grand Est et doit être systématiquement évoquée en cas d’atteinte ganglionnaire, chronique, inflammatoire ou non. L’existence d’un granulome tuberculoïde ne doit pas faire éliminer le diagnostic, notamment en contexte épidémiologique compatible.
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Vol 41 - N° S
P. A177-A178 - décembre 2020 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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